Le premier document qui matérialise l’existence du Diamant est un texte sanscrit du IVème Siècle avant notre ère se rapportant au commerce, déjà fort actif à l’époque, de cette pierre singulière qui était connue pour être à la fois la plus dure, la plus rare et la plus précieuse d’entre toutes.
L’Inde, qui fut jusqu’au XVIIIème Siècle l’unique producteur de Diamants du Monde, lui attribua des qualités spirituelles, morales et philosophiques uniques.
Si les Grecs ignorèrent probablement la magie du Diamant, les Romains, eux, en raffolèrent. Pline L’Ancien, celui-là même qui périt en l’An 79 à Pompéï sous le feu du Vésuve, écrivit à peu près ceci dans son Histoire naturelle : « le Diamant représente la plus grande valeur, non seulement entre toutes les pierres précieuses, mais aussi parmi toutes les bonnes choses sur terre ».
Les Légendes se jouent du temps. Celle de la Vallée des Diamants, férocement défendue par des serpents et des aigles, apparaît dans l’épopée d’Alexandre Legrand : ses soldats, éblouis et subjugués, auraient littéralement récolté les Diamants autour d’eux. On trouve également mention de cette Vallée des Diamants dans des textes Chinois et Arabes, dans les Mille et une Nuits, ainsi que dans les récits de Marco Polo qui passa vingt-quatre ans sur les chemins du Monde, rapportant à ses compatriotes Vénitiens plus de souvenirs émerveillés que de pierres scintillantes.
Les Diamants transitaient via les caravanes des Perses et des Arabes qui en étaient tout particulièrement friands. La République de Venise commerçait avec des pays lointains, pourvoyeurs d’or, de soie, d’épices et de Diamants . En 1498, le navigateur Portugais Vasco de Gama découvrit la route maritime des Indes par le Cap de Bonne-Espérance, rendant ainsi le voyage moins long, mais pas moins périlleux pour autant. En matière de Diamant, la Sérénissime vit, non sans douleur, son éclat se ternir au profit de Bruges où l’on savait parfaitement tailler les Diamants bruts qui arrivaient de Venise par la vallée du Rhin.
Avec ses canaux et sa brume dorée qui enveloppait ses formes, Bruges la Flamande se targuait d’être la Venise du Nord et d’avoir inventé la taille brillant par la main de Louis van Berckem. C’est en 1476 que ce dernier en aurait mis au point la technique ; mais, légende ou oubli de l’histoire, aucun document ne fait état de ce Brugeois inventif.
Vint l’ensablement de la rivière Zwin et le déclin de Bruges. Anvers prit la relève, d’autant que les relations commerciales et maritimes avec Lisbonne, port d’entée des Diamants de l’Inde, étaient florissantes. A partir de Goa, sur la côte occidentale, les Portugais avaient réussi à s’introduire dans des régions fortement diamantifères et leurs trouvailles suscitaient la convoitise universelle.
Au milieu du XVème Siècle, Anvers s’épanouit dans une richesse qui ne dédaignait pas de s’étaler au grand jour. Le port s’enorgueillit de traiter près de la moitié du commerce mondial. Tous les métiers et les négoces du Diamant (tailleurs, scieurs, polisseurs, orfèvres) s’activaient dès les petites heures du jour, pendant que, derrière les hauts murs de leurs imposantes demeures, les nouveaux riches du Diamant, qui opéraient discrètement pour les Rois, les Princes et les banquiers, caressaient du geste et du regard les pierres que l’on venait soumettre à leur haute compétence.
Il y a plus de six Siècles que, de Bruges à Anvers, le Diamant se décline dans tous ses états, des promesses opaques du brut aux feux de la pierre taillée.
Entre Anvers et Amsterdam, qui recueillit et accueillit les Protestants puis les Juifs chassés d’Espagne et du Portugal par l’Inquisition, s ‘instaura vite une rivalité permanente. Une concurrence qui allait être attisée vers 1725 par la découverte de Diamants au Brésil puis en Afrique du Sud à la fin du siècle dernier. Dans les tribulations de la Seconde Guerre Mondiale, les communautés Juives qui, de par le monde, constituaient traditionnellement les forces vives de l’industrie et du commerce du Diamant, furent décimées par la barbarie nazie. Anvers, relativement moins meurtrie qu’Amsterdam, s’attela à redynamiser son potentiel humain et technique dans la ville même et les ateliers de la Campine environnante chère à Rubens.
Jadis pratiqué dans les cafés enfumés de la Pelikaanstraat, près de la gare centrale, le négoce du Diamant, soit brut, soit taillé, s’exerce aujourd’hui dans quatre bourses, la plus importante étant le Club Diamantaire d’Anvers créé en 1893.
Des immeubles ultramodernes de verre et de béton, sous très haute surveillance informatique, voisinent avec des façades lourdement ouvragées qui ont, fort heureusement, échappé à l’appétit des promoteurs ; chaque jour, de 11 heures à 13 heures, à la lumière du Nord – le meilleur éclairage pour les pierres – s’affairent, barbus et le chapeau sur la tête, des professionnels qui se comprennent d’un regard, se font confiance sur une parole et une poignée de main pour échanger des carats par milliers et des capitaux par millions. Pas de touristes pour les regarder extraire des multiples poches de leurs longues redingotes noires et brillantes les petits pliages blancs qui enveloppent les pierres, ouvrir avec précaution les mallettes de cuir qu’une solide chaîne de métal relie à leur taille et mêler aux techniques les plus avancées de la communication les gestes ancestraux et efficaces de la tradition.
Anvers, grâce à son savoir-faire, à réussi à maintenir sa prépondérance, malgré la concurrence des marchés du Sud-Est Asiatique, favorisés par leurs bas niveaux de salaires, et réalise un chiffre d’affaires global annuel de pierres brutes et taillées de l’ordre de 10 milliards de Dollars. La «marchandise » arrive de Londres où d’ailleurs – en provenance d’URSS, des Etats-Unis, d’Inde, d’Israël ; de tous les pays qui négocient du brut – et repart polie, taillée, vers les gros consommateurs que sont les Etats-Unis, le Japon et Hong Kong.